
À l’approche d’Halloween, mais aussi du Dark Lover Fest de Toulouse, auquel Black Ink Éditions participe les 29 et 30/10, nous avions envie de papoter autour de la DARK ROMANCE.
Lors du premier Festival Black Ink Éditions, nous auteures chéries avaient débattu sur le sujet lors d’une masterclass, dirigée par Sarah Berziou. Voici la suite de tout ce que ces auteures de grand talent ont à raconter sur la Dark Romance...

À quel moment sombre-t-on dans le « too much » ?
Angel Arekin : Quand ce n’est plus crédible. Quand on assiste à des scènes qui font lever les yeux au ciel, parce que c’est impossible, personne ne réagirait comme ça ou ne ressentirait ça. Aimer un viol, c’est l’exemple le plus frappant. Le fantasme, on peut l’aimer, le viol en lui-même, quand on le vit, certainement pas !
Robyne Max Chavalan : Le « too much » pour moi s’apparente à la surenchère. Faire toujours plus trash et gore. Le viol d’un ou d’une mineur. La zoophilie. La nécrophilie. La multiplication des partenaires non consentie… Après, le vrai problème est que la dark romance est à ce jour un sous-genre « fourre-tout ». Pour moi, et même si j’ai en horreur ce mot, il faut plus « catégoriser ». Déjà parce que l’on doit apprendre à accepter les limites de chacun. Le curseur n’est pas le même pour tout le monde. Ensuite parce qu’écrire ou lire quelque chose de différent des autres ne doit pas être une honte mais un choix assumé.
Chlore Smys : En dark comme en romance, quand les scènes de sexe s’empilent sans histoire pour les lier ensemble ou que les héros ont l’épaisseur du papier à cigarettes. Toutefois, en dark, vu la sensibilité des sujets abordés, c’est encore plus dérangeant de lire une femme subir une suite de violences sexuelles ou autre si on ne ressent pas de réelle motivation valable derrière.
FARAH ANAH : Le premier élément à mes yeux est le manque de psychologie. Quand on ne comprend plus le comportement des héros, qu’on ne remarque plus que la scène transgresse sans pouvoir la justifier. Pour moi, tout part de là. La surenchère, c’est quand il y a une rupture avec la crédibilité. Ou quand on dépasse un peu des codes de la romance. Quant au cliché, c’est un peu comme en romance contemporaine : le manque de nuance, d’approfondissement pour coller à l’image du méchant qui fait le mal (quel que soit le héros.)
Ensuite, je pense que la plume est très importante dans une dark romance. Ce sont des histoires délicates qui méritent beaucoup de justesse. Si on ressent à la lecture que l’auteur a opté pour tel thème ou telle scène juste pour choquer, ça vire dans le too much.
Cécilia Armand : Question intéressante, pour moi trop de trop, tue le trop. Certains sujets sont déjà lourds à aborder, donc il est inutile de rajouter des problématiques à tiroir afin d’avoir une accumulation de drames. La dark est majoritairement dramatique, en soi, il n’est pas nécessaire de rajouter des scènes gratuites dans le but de choquer le lecteur. Il faut un juste dosage entre la relation, le sexe et l’histoire sans pour autant la rendre trop pathétique ou hard.
Qui dit dark romance dit bad end possible. La cohérence prend-elle le dessus sur la romance ? Tous les héros de dark peuvent-ils être sauvés ?
ANGEL AREKIN : Évidemment que la cohérence doit prendre le dessus sur la romance. J’ai envie de dire, dans tous les genres, ça doit être le cas, sinon le bouquin est planté. Je suis pour qu’on suive de toute façon la cohérence de l’histoire, dark ou non. (ouais, là, j’entre dans la définition même de la romance, que je trouve nulle ! Merde aux codes !) Oui, je pense qu’on peut aussi faire des fins sympas en dark romance, on peut torturer nos personnages sur 400 pages et faire en sorte que ça se termine bien. En fait, la dark romance supporte le fait qu’on puisse aller où on veut, faire ce que l’on veut, bad end, sad end, happy end, il y a à travers elle une transgression qui doit demeurer, c’est ça, pour moi, la définition de la dark romance.
Robyne Max Chavalan : Dans la mesure du possible j’essaie d’être cohérente. De façon très personnelle, je n’aime pas les bad end notamment quand le personnage meurt. Pour moi c’est trop facile. Il ne peut ni y avoir de possibilité de rédemption, ni de reconstruction. Après, évidemment, comme dans Dear Death Fractures, si on verrouille dès le départ la fin de l’histoire, il faut rester cohérent. Là encore, on ne va pas libérer un tueur en série condamné à mort au prétexte de la romance. C’est ridicule et dans la vraie vie, c’est impossible. Et non, bien sûr, tous les héros de dark ne peuvent pas être sauvés. Tout dépend de la construction de l’histoire et du personnage.
Chlore Smys : Pour moi, la cohérence de la fin doit toujours prendre le pas, peu importe le livre. Si la romance doit devenir un drame parce qu’elle nécessite une bad end, ainsi soit-il. Je ne pense pas que tous les héros de dark peuvent être sauvés, encore moins qu’ils le veuillent. Si je crois que l’être humain peut apprendre et se corriger quelque peu, Cole ne sera jamais un grand féministe, on ne va pas se mentir.
Peut-être que le meilleur choix en dark est la fin ouverte, une capture du moment où tout va bien, avant que les démons ne ressurgissent. Mais je ne suis pas sûre d’être experte en la matière, je me promène plutôt à la frontière entre contemporaine et dark, trop sombre pour l’un, pas assez violent pour l’autre…
FARAH ANAH : Il y a trop de facteurs qui entrent en jeu pour donner une réponse sans nuance. Pour moi, tout dépend vraiment de l’histoire, de son évolution, et du fameux point de non-retour, de la crédibilité. Les codes de la romance exigent une happy end, mais les codes peuvent évoluer. Tout comme à l’époque, il n’y avait pas de « genre » défini pour la dark romance, j’estime que tout n’est pas forcément immuable. Donc, oui, pour que la romance ne retombe pas comme un soufflé à la fin pour correspondre à un schéma spécifique, je préfère transgresser un code et garder ma crédibilité. (Et, non, la classer en drame lorsqu’il s’agit de romance relève du spoil.)
Si l’un des héros est un véritable sociopathe, ou un psychopathe, ou qu’il a un trouble mental, cela ne serait pas crédible qu’il puisse être sauvé. (En revanche, la romance, elle, peut l’être, d’une façon ou d’une autre. Dans Dear Death Fractures, le héros est condamné à mort, mais leur amour, lui ne l’est peut-être pas.)
Cécilia Armand : La cohérence est primordiale parfois même au détriment de la romance. Si l’histoire le réclame, les personnages sont amenés à mourir ou à se séparer (sad end) nous sommes dans un livre, mais il est important de respecter une certaine cohérence. Donc non, tous les héros n’ont pas le droit à une fin heureuse. Je n’ai rien contre les fins immorales ou le méchant de l’histoire gagne, mais il faut que ça reste en adéquation avec le thème. Quand ça s’impose, je tue, même si ça me fait mal au cœur. Ce n’est pas pour le spectacle, mais pour rester sur mon fil conducteur. Ce n’est pas non plus un genre de prédilection, alors oui j’ai une affection particulière pour les sujets difficiles, mais parfois terminer avec une HP et de l’espoir contrebalance le reste du livre. Il s’agit là de bien l’amener.
& vous ? Qu’en pensez-vous, en tant que lecteurs ?